55 noms pour réveiller l’espoir Par Christian Picquet

Publié le par claude

texte publié dans le bulletin unir

 C’est l’excellente nouvelle de cette mi-mai. Le jour même où des dizaines de milliers de fonctionnaires, d’enseignants, de lycéens se préparent à battre le pavé en défense du service public, alors que les commémorations de Mai 68 battent leur plein, Politis publie un appel intitulé : « L’alternative à gauche, organisons-la ! » Il ne fait aucun doute que cette initiative réponde à une large attente. Pas plus tard qu’hier, l’ami Marcel Trillat, dont on aime tant la manière de filmer la condition ouvrière, me disait combien il l’espérait depuis longtemps, et des dizaines d’autres de sa connaissance avec lui. La liste des signataires fait d’ailleurs, à elle seule, événement. Depuis quand n’avait-on pas vu une telle convergence de responsables politiques (socialistes de gauche, communistes de diverses sensibilités, Verts, républicains de gauche, membres des collectifs antilibéraux, LCR-Unir), d’acteurs syndicaux et associatifs s’exprimant naturellement à titre personnel (des syndicalistes Michel, Lerichomme ou Barbillat à l’animateur du collectif ACLEFEU, Mohammed Mechmache, ou à celui de la Convergence des services publics, Bernard Defaix, en passant par l’ancienne coprésidente de la Fondation Copernic, Évelyne Sire-Marin, les anciens présidents d’Act- Up que sont Emmanuelle Cosse et Philippe Mangeot, les altermondialistes Susan George et Christophe Ventura), d’économistes antilibéraux (Ramaux, Husson, Coutrot), d’écrivains (Annie Ernaux, Pierre Bergougnioux, François Maspéro, Michel Onfray…), de chercheurs ou philosophes (Jacques Bidet, Gérard Mauger, Emmanuel Terray, Paul Ariès), d’artistes ou réalisateurs (Robert Guédiguian, Ariane Ascaride, Marcel Trillat), proclamant ensemble qu’il y avait urgence à sortir du marasme qui menace la gauche de disparition pure et simple ? Le contenu de l’appel n’est pas moins remarquable que ses initiateurs. 40 ans après Mai, mais sans céder le moins du monde à la nostalgie soixante-huitarde, il désigne clairement l’enjeu majeur du moment politique présent : construire un débouché politique aux mobilisations qui se multiplient. Il constate, dans la foulée, qu’il « manque toujours une force incarnant un projet alternatif ». Il souligne sans ambiguïtés les responsabilités de la crise de perspectives qui caractérise la gauche : « Du côté de la majorité dirigeante du Parti socialiste, les volontés hégémoniques se confirment, et avec elles les tendances au renoncement social-libéral, inspirées des exemples de MM. Blair ou Prodi. Mais la gauche de transformation sociale et écologiste ne doit pas, elle, s’accommoder d’un statu quo qui lui interdit d’espérer changer en profondeur la donne politique. » Il prend, dans le même temps, 2 acte de l’existence à gauche d’un « espace comparable à celui révélé par Die Linke en Allemagne ou d’autres expériences similaires en Europe », avant de mettre l’accent sur le fond du problème : « Aucune force constituée ne peut rassembler autour d’elle seule. » Il en appelle, sur la base de ces constats, à « l’affirmation d’une gauche enfin à gauche » et conclut sur l’organisation urgente d’un « cadre permanent qui nous permette, ensemble, nationalement et localement, de réfléchir aux moyens d’une vraie réponse politique aux attaques de la droite et du Medef et d’aborder les grands rendez-vous qui s’annoncent. D’ici l’été, que chacun et chacune se saisisse de cette proposition sur le terrain. Et retrouvons-nous à l’occasion d’un grand rendez-vous national en septembre, afin de prolonger ces échanges. » Comment aurions-nous pu ne pas répondre immédiatement présent à une telle sollicitation ? Bien sûr, l’appel ne prétend pas répondre à toutes les questions programmatiques ou stratégiques qu’il évoque en creux. Il est même probable, à ce propos, que des différences s’exprimeront entre les signataires. Mais l’important n’est pas là. Porté par des acteurs politiques, sociaux ou culturels d’une telle diversité, initié par un organe de presse qui aura toujours cherché à être un trait d’union entre les diverses sensibilités de la gauche de transformation, dépassant de loin les frontières de « la gauche de la gauche » ou de « l’extrême gauche » pour s’ouvrir à des mouvances qui en viennent à partager le constat identique que la gauche, à suivre son cours actuel, se prépare à des désastres semblables à ceux qui viennent de se produire en Italie ou en Grande-Bretagne, il peut très vite provoquer un appel d’air, sur le terrain autant qu’à l’échelon national. Et c’est ce qu’il convient de viser. D’aucuns, des journalistes notamment, s’étonnent que le texte de l’appel ne vise pas encore, en tant que tel, à construire le parti large et pluraliste, la force politique nouvelle, qui s’avérerait aujourd’hui si nécessaire. Il va de soi que, pour notre part, nous n’y avons nullement renoncé. Cela dit, pas plus qu’une seule composante politique ne saurait prétendre rassembler autour d’elle et à ses conditions pour y aboutir, un tel objectif ne se décrète pas. Les conditions actuelles et, singulièrement, les débats tels qu’ils se déroulent parmi les forces situées à gauche du sociallibéralisme, ne permettent manifestement pas de déboucher immédiatement sur une telle prise de position. Il n’en reste pas moins qu’un pas non négligeable vient d’être franchi dans la bonne direction, avec l’encouragement à construire un cadre permanent d’échange et d’action, autrement dit un front structuré, aux plans local et national. Pour la première fois depuis plus d’un an, un coup d’arrêt peut être porté aux logiques d’émiettement et de concurrence qui conduisaient à l’impuissance face à la dérive droitière du centre de gravité directionnel du Parti socialiste. Le débat peut maintenant se rouvrir à gauche sur une alternative de rupture avec le libéralisme et le capitalisme, qui puisse disputer au PS l’hégémonie dont il jouit par défaut sur la gauche. C’est ce qui rend vital d’élargir la brèche que cette initiative ouvre. Il n’en est, à cet égard, que plus regrettable que des courants politiques d’importance aient refusé de s’y associer. C’est le cas de la direction majoritaire de la LCR, bien que sollicitée par Politis. Rien ne justifie une telle attitude, si ce n’est une attitude de fermeture qui revient au galop dès qu’une initiative vient dessiner un champ de possibles au-delà de l’aire militante que prétend occuper le projet de « nouveau parti anticapitaliste ». Même sur l’orientation qui est la sienne aujourd’hui, la direction majoritaire de la Ligue pourrait parfaitement se retrouver, avec d’autres, dans un « cadre permanent » lui permettant, à la fois, de concourir à l’existence d’une réponse directement politique à la colère sociale et de défendre ses propres propositions. Mais, sans doute, le problème vient-il du fait qu’il lui faudrait alors admettre que le « NPA » n’est pas simplement un premier pas dans la direction de la force nouvelle anticapitaliste pour laquelle la LCR a toujours combattu, mais qu’il est devenu un objectif en soi… C’est le cas également de Pour la République sociale. Manifestement, contrairement à d’autres socialistes (comme, par exemple, Marc Dolez ou Jacques Généreux), Jean-Luc Mélenchon considère que ce genre de tentative n’est guère compatible avec les efforts qu’il déploie pour faire exister, avec les difficultés que l’on devine, un courant de gauche dans le PS. La reconstruction d’une perspective porteuse d’espoir pour le monde du travail et la jeunesse ne peut cependant prendre davantage de retard, sauf à voir se généraliser délitement et démoralisation chez nombre 3 de celles et ceux qui se désespèrent de ne pas voir émerger une alternative au sarkozysme comme au sociallibéralisme. Et le texte publié par Politis permet à chacun, quels que soient par ailleurs ses engagements partidaires, de s’y retrouver. À nous de faire en sorte que soient au plus vite levées les réticences et les frilosités de toutes sortes. Pour cela, il n’est qu’un moyen : relayer l’appel, le faire signer (un site a été ouvert à cette fin : www.appela- gauche.org), prendre tous les contacts unitaires (avec les courants nationalement signataires, avec les « Amis de Politis », avec les secteurs intellectuels ou les acteurs du mouvement social intéressés) afin d’organiser dans le plus grand nombre possible de villes des réunions publiques à partir de l’appel et dans l’objectif de déboucher sur un « cadre unitaire permanent ». Une initiative a été prise, elle ne doit pas se révéler sans lendemain.
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